Cette fois c’est fini

~ Voyager, c’est naître et mourir à chaque instant. Victor Hugo ~

Il y a un an, j’ai quitté mon pays, ma vie, mes habitudes et toute forme de confort, matériel et émotionnel. Je n’avais pas envie de partir mais je pensais en avoir besoin. Un an plus tard, malgré les difficultés qui ont voyagé avec moi et même si le chemin intérieur qui reste à parcourir est encore long, je ne regrette pas de l’avoir fait.

Ici j’ai appris certaines de mes limites, physiques, émotionnelles et psychologiques, en réalisant que je les avais dépassées. J’ai compris ce que voulait dire « penser à moi », même si je ne l’applique pas encore vraiment. J’ai continué grâce à la photo à moins procrastiner, car si on ne déclenche pas son appareil au moment où l’image se présente, il n’y a presque jamais de deuxième chance. J’ai aussi compris ce que je veux et ce dont j’ai besoin, et certaines choses que je ne veux pas.

Ma Ford-mule-1 revendue, elle poursuit ses aventures ici alors que je m’apprête à poursuivre les miennes ailleurs. Pendant presque un an, elle aura été mon moyen de transport, ma maison, mon point d’ancrage et ma sécurité. Pleine de doutes et de défauts, elle va me manquer.

C’était quand même une aventure folle, avec un rythme tout aussi fou. Quand je regarde en arrière, j’ai du mal à me rappeler de tout.

Ici, dans le même pays j’ai changé d’heure 9 fois en un an.

Je me suis déplacée à pied, à la nage, à ski, à vélo, en quad, taxi, voiture, bus, télésiège, tram, bateau, ferry, train, hélicoptère, hydravion, avion de ligne.

J’ai dormi dans des lits, sur des canapés, dans une tente pas très solide, dans une tente plus luxueuse, sur des bancs d’aéroport, sur le sol d’un autre, dans une caravane, sur un ferry, dans ma voiture (dans la rue ; sur des terrains de camping gratuits ou non ; devant un camping ; sur des aires de repos avec ou sans civilisation ; au bord d’un lac ; sur des parkings de McDonald’s, restaurant, auberge de jeunesse, casino ; devant une église, une caserne de pompiers, un port ; à 30m d’une colonie de manchots).

J’ai parfois réalisé que j’étais à l’autre bout du monde, en lisant par exemple qu’il neigeait en France alors que j’avais trop chaud en t-shirt ; en mangeant des fraises en attendant la nouvelle année, ou en mangeant des framboises, pêches, abricots, cerises en décembre ; en ayant jusqu’à 10h de décalage horaire et les difficultés de communication que ça implique ; en réalisant que s’il faut que je revienne en urgence, il me faut deux à trois jours ; en voyant les tarifs de la Poste ; en étant malade mais seule pour réfléchir clairement à la façon dont je suis censée réagir ; en me préparant pour aller bosser quand tout le monde va se coucher.

Souvent j’ai cherché à comprendre la logique pas logique du pays, pour arriver à une seule explication : « c’est australien ». Pourquoi souvent ils ne portent pas de chaussures, même en ville ? Pourquoi ils s’en fichent autant de leurs animaux alors qu’ils sont (économiquement) fiers de les avoir ? Pourquoi ils ne savent pas où est leur capitale ? Pourquoi ils préfèrent payer des milliers de dollars de chauffage et climatisation plutôt que d’isoler leurs logements ? Pourquoi ils ont des prix avec des 98 ou 99 centimes alors qu’ils n’ont pas de pièces de 1 et 2 centimes et qu’ils doivent de toute façon arrondir pour payer en espèces ? Pourquoi ils n’ont pas de paquet de sucre qui se referme ? Pourquoi ils ne mettent jamais les verrous des portes dans le bon sens ? Pourquoi leurs oreillers sont rectangulaires ?

Malgré toutes les bizarreries dont la liste serait infinie, c’est un beau pays et j’ai aimé le visiter. C’est probablement le pays que je connais le mieux au monde maintenant, car c’est le seul que j’ai parcouru en long, en large et en travers. Je ne connais même pas la France aussi bien. Certes les distances sont énormes, mais les paysages sont très différents les uns des autres et la faune est incroyable.

Les animaux qui m’ont le plus impressionnée resteront les pélicans, les phalangers volants, Chilli le dernier flamant, les chauve-souris de Nitmiluk National Park, les baleines, les ornithorynques, les diables et les baobabs (oui je sais ce ne sont pas des animaux, mais ils sont quand même vivants et sensibles).

Depuis un an, j’ai du mal à vraiment réaliser tout ce que j’ai vu et tout ce que j’ai fait. Je ne sais même pas si j’en serai capable un jour. Là aussi, la liste est infinie. J’ai, entre autres :

– vu Moscou et la Place Rouge sous la neige, les jonques de la baie de Hong Kong, le plus haut bouddha d’Asie du Sud Est, les feux d’artifice du Nouvel An à Sydney ;
– observé un bébé kookaburra s’entraîner à tuer une feuille de bananier ;
– vu des bébés tortues marines qui venaient de naître ;
– participé à un comptage d’échidnés sauvages ;
– vu un banc de phoques faire la sieste en flottant sur l’océan ;
– me suis fait ch*** derrière les oreilles par un cacatoès ;
– trouvé des koalas sauvages ;
– cueilli non sans mal des figues de barbarie ;
– trait des chèvres ;
– dormi avec un wallaby ;
– fait des injections à une tortue verte ;
– conduit un buggy qui a pris feu à cause d’un nid de rats dans le moteur ;
– vu le dernier flamant d’Australie ;
– vu un des oiseaux les plus menacés au monde ;
– vu des dauphins pour la première fois de ma vie ;
– récupéré un bébé kangourou dans la poche de sa mère ;
– joué au poker avec des pignons de pin ;
– fait du yoga ;
– appris quelques mots de langue des signes française ;
– nagé avec des tortues et des requins ;
– cassé mon pare-brise avec un déchet de mine de fer ;
– vu des baobabs ;
– réveillé une vache au milieu de la route en pleine nuit ;
– tenté de pêcher des grenouilles dans une chasse d’eau de WC avec une cuillère à soupe ;
– fait un tour d’hélicoptère gratuit ;
– me suis probablement fait mordiller par un bébé croco ;
– survécu à une attaque de moustiques digne d’un film de Hitchcock ;
– roulé environ 30000km (quelques semaines de plus et j’aurais fait le tour de la Terre) ;
– traversé six fois le Tropique du Capricorne ;
– vu un dromadaire sauvage ;
– expérimenté tous les climats du pays ;
– expliqué l’importance des abeilles à 73 enfants de 10ans ;
– fait du ski et du badminton ;
– nagé dans la Grande Barrière de Corail et survolé Heart Reef ;
– vu des baleines à quelques dizaines de mètres ;
– vu des ornithorynques et des dendrolagues sauvages ;
– acheté un billet d’avion dans un aéroport, et un autre à une femme assise sur un énorme ballon de fitness ;
– tenu à jour mon agenda et ai donc en mémoire tout ce que j’ai fait chaque jour ;
– me suis fait mordre sur la joue par une sangsue terrestre alors que j’étais entourée de diables qui ne m’ont jamais rien fait ;
– nourri à la main des bébés diables de Tasmanie ;
– tondu des enclos au couteau ;
– participé à une étude sur cinq ans de la faune sauvage tasmanienne
– tenu presque à jour mon blog et compris que c’est un métier ;
– survécu deux fois à la traversée des Quarantièmes Rugissants en ferry ;
– vu 12 des 19 sites classés au Patrimoine Mondial de l’UNESCO ;
– sorti neuf araignées de ma voiture, retiré une qui vivait dans le rétro conducteur, une autre qui vivait dans un phare arrière, et gardé celle qui vivait dans le rétro passager ;
– me suis retenue, non sans mal et à une dizaine de reprises, d’acheter un kayak ;
– etc etc…

Entre mes dizaines de milliers de photos, ce que j’ai aimé ou non du pays, ce que j’ai vu et appris, je termine avec une masse colossale de souvenirs dans la tête. C’est peut-être parce que la fin approche, mais depuis quelques temps des bribes me reviennent par ci par là et j’ai l’impression que tout était déjà dans une autre vie. Pourtant c’était il y a à peine quelques mois.

Sur le moment c’était parfois difficile, parfois très difficile, j’ai souvent serré les dents en attendant que les difficultés s’estompent, mais le temps est passé vraiment vite. Merci à tous ceux qui m’ont soutenue jusque là et grâce à qui j’ai pu continuer et je le peux encore, Sarah en particulier. Merci aussi à Audrey et Charles pour ce « morceau de chez soi » à l’autre bout du monde, ça fait vraiment du bien de savoir que des gens qu’on aime sont presque à côté. A l’équipe de Murrnong qui est devenue ma deuxième maison australienne. Et à ma famille sans qui je ne serais pas où je suis, et sans qui je n’aurais matériellement et mentalement jamais pu vivre cette année et cet immense pays de la même façon.

Ça y est, je crois que j’ai dit tout ce que j’avais à dire sur l’Australie ! Je peux enfin souffler jusqu’au départ et réaliser que je quitte le pays sans regrets, avec la promesse d’y revenir un jour, en vacances cette fois. En route pour un autre voyage intense mais bien différent !

11 commentaires

  1. Quel beau témoignage de ton périple australien !
    Faire une rétrospective de tout ce que tu as vécu va certainement te prendre beaucoup plus de temps que tu ne l’imagines… avec tous les « petits détails » qui vont revenir quand bon leur semblera.
    J’ai tout le temps des flashs de nos vacances qui n’ont duré que 15 jours; alors sur une année les souvenirs se comptent à la pelle ! 🙂 Heureusement tes articles et ton livre de bord sont là.
    Un immense merci pour nous avoir fait partager ce si beau voyage !
    Mille bisous à toi ma biche. ❤

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  2. Héhé, avec toutes les pbotos, les récirs et les vidéos, je crois qu’on ne sera jamais cpabke de saisir tout ce que tu as pu faire en un an et sirtout dans quelles conditions. Peu de gens pourrait faire ce que tu as fait !

    Bon courage pour la suite !

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    • A l’heure de l’Europe, les espaces sont quand même beaucoup plus grands, non ?
      D’autant plus que la langue n’est surement plus un obstacle quand on vient de se faire une année de révision et de mise en pratique… 😉 l’anglais est compris partout, même avec l’accent australien. 🙂

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  3. Quelle année inimaginable tu viens de vivre , en te lisant j’ai le tournis !!!
    Chaque mois ,grâce à tes merveilleux récits et tes magnifiques photos nous avons pu te suivre et visiter l’Australie .Et je t’en remercie .
    Puisse la prochaine année dans ce nouveau pays,te procurer des aventures enrichissantes et de bonnes surprises …
    BONNE ROUTE SOPHIE
    Plein de bisous ma grande
    Mamie

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