en passant Yep, I’m gay

J’ai une révélation à faire : en dix mois de blog, vous n’imaginez pas le nombre de références et de sous-entendus qui se sont cachés dans mes articles. En l’occurrence, il y a quelques mois j’ai écrit, entre autres, que j’assumais enfin pleinement qui j’étais. Mais il est parfois difficile de lire entre les lignes, alors il est temps de mettre des mots sur des sous-entendus. Je ne cherche pas à imposer une manière de penser, seulement à faire réfléchir. Perplexes ou non, lisez jusqu’au bout. Le pire qui puisse vous arriver est d’apprendre quelque chose et de devenir plus tolérants.

Depuis que je voyage en Australie, j’ai rencontré beaucoup de monde, et en particulier un jeune homme dont l’histoire m’a touchée et m’a fait comprendre les dangers de l’ignorance et de la discrimination. Il a 21 ans, vient d’Amérique Latine, et est homosexuel. Il était encore adolescent quand il a compris qu’il était gay. La nouvelle a été un drame pour lui et rien de plus grave n’aurait pu lui tomber dessus. Car il savait qu’il n’aurait jamais le droit d’être lui-même, et qu’il devrait un jour faire un choix entre son identité et sa famille. Il a essayé de rentrer dans le moule, d’être « normal » aux yeux de la société, jusqu’au jour où il n’a plus supporté de vivre une vie qui n’était pas la sienne. Quand elle l’a appris, sa mère n’avait pas d’autre choix que de lui dire que s’il voulait être lui-même, s’il voulait avoir une chance d’être heureux, il devrait partir et quitter son pays sans que son père ne sache jamais la vérité. Il lui fallait tirer un trait sur sa famille, ses amis et tout ce qu’il connaissait au monde, ou tirer un trait sur son bonheur, sa vie.

Vous imaginez devoir dire ça à votre enfant, à cause des coutumes du pays dans lequel vous vivez ? Lui faire comprendre que vous l’avez fait naître pour lui imposer un monde qui ne l’accepterait jamais s’il ne remplissait pas certaines conditions ? Vous imaginez entendre ça de votre propre mère ?

Une fois majeur, il a acheté un aller simple pour Sydney et vit maintenant en Australie depuis trois ans. Trois ans qu’il n’a pas vu sa famille, qu’il sait qu’il ne reviendra jamais en arrière, et qu’il ne peut pas rentrer chez lui. Trois ans qu’il sait qu’il ne reverra certains membres de sa famille que s’ils viennent jusqu’à lui. Je ne peux rien lui dire d’autre que bravo pour sa force et son courage. Il a refusé d’effacer qui il était en se forçant à rentrer dans les cases que d’autres avaient choisies pour lui.

Et je suis bien contente de ne jamais avoir à prendre ce genre de décision.

Si je raconte son histoire, avec son approbation évidemment, c’est parce qu’elle m’a touchée et m’a aussi fait remarquer une fois de plus que l’injustice et la cruauté du monde ne sont pas seulement dans nos télévisions. Elles font partie de la vraie vie, sont autour de nous chaque jour et s’invitent jusque dans nos familles. Nous leur laissons de plus en plus de place simplement car nous refusons de les regarder. En ne leur prêtant pas attention, nous restons ignorants. Ce n’est pas en détournant le regard que la réalité sera moins dérangeante. Donc ne détournez pas le regard, continuez à lire. Sans jugement et sans à-priori, qui eux aussi sont des sources d’ignorance. Et l’ignorance apporte son lot de haine, la haine son lot de cruauté.

Yep, I’m gay 🏳️‍🌈

J’étais bien plus âgée que lui quand j’ai compris ça de moi, même si quelque part je l’ai toujours su. Ca m’a pris plus de temps, probablement car j’ai eu la chance de ne jamais avoir à me poser la question et à me demander qui j’étais, car peu importe qui je suis, on m’a toujours acceptée comme ça. J’ai toujours eu « le droit » d’être qui j’étais. Je n’ai jamais été jugée, ridiculisée si j’étais différente, quelle que soit la différence. Et quand finalement la réponse s’est présentée sous mes yeux, j’ai aussi eu la chance de ne pas avoir à me demander longtemps si je devrais en avoir honte. Le simple fait d’imaginer une autre façon d’élever un enfant et de considérer un être humain me dépasse. On m’a appris une certaine forme de tolérance, et je ne comprends pas l’injustice.

Moi aussi j’ai tenté de rentrer dans ce moule que le monde veut nous faire croire juste et unique. Mais j’ai vite laissé tomber, et j’ai vite compris que ce n’est pas parce que cette société crie plus fort que vous qu’elle a raison. Si vous voulez acheter des chaussures et que vous chaussez du 42, le monde entier pourra vous regarder de haut et s’acharner sur vous, vous ne rentrerez jamais dans une paire de 36.

On ne peut être jugé que sur ce que l’on fait, et non sur ce que l’on est. En jugeant les gens sur ce qu’ils sont, on leur dit simplement qu’ils ne sont pas assez bien, qu’ils sont inférieurs ou pas assez respectables. On peut faire des choses remarquables ou minables, on peut faire des choix honorables ou non. On ne peut pas changer qui l’on est sans se trahir soi-même et sans en souffrir éternellement. C’est contre-nature.

« Mais être homosexuel est aussi un choix contre-nature. »

Pour ôter le doute dès maintenant, être homosexuel n’est pas un choix. Tout comme ce n’est pas une passade, une erreur de parcours ou une maladie. C’est apparemment prédéfini de manière hormonale avant notre naissance, mais des recherches ont été faites là dessus et expliqueront les choses bien mieux que moi à ceux qui ne me croiraient pas et auraient besoin de preuves. Et quand vous voyez à quel point les gens en souffrent dans certaines communautés ou certaines régions du monde, vous vous rendez compte qu’ils aimeraient vraiment avoir le choix !

[Anecdote #1 : l’homosexualité a été retirée de la liste des maladies mentales tenue par l’Organisation Mondiale de la Santé en 1990]

Ce n’est pas non plus contre-nature, tout simplement car ça existe dans la nature, chez de nombreuses espèces qui pourtant ne s’en portent pas plus mal. Qu’est ce qui peut être plus naturel que la Nature ?

[Anecdote #2 : nous avons aussi pu constater au zoo, chaque année et à plusieurs reprises, que des couples d’oiseaux de même sexe sont parfaitement aptes à élever un jeune, qui au final n’aura aucune différence avec ceux élevés par des couples de sexes différents]

« Gay et fière de l’être ! »

Ce n’est pas un choix, donc pourquoi devrais-je en être fière ? Ça impliquerait d’ailleurs qu’il est possible que je puisse en avoir honte, et ce n’est pas le cas. Je ne suis pas fière d’être droitière, d’avoir les cheveux châtains, ou de la couleur de mes yeux. Je suis juste comme ça. Je peux être fière uniquement de ce que je fais, et il m’arrive de l’être.

Mais même sans être fier ou avoir honte de soi, il est parfois difficile d’assumer qui l’on est, justement à cause des pressions de la société qui prétend savoir ce qui est bien ou mal. Heureusement, les mentalités changent peu à peu. Les gens sont plus ouverts et enclins à laisser aux autres les libertés qu’ils sont censés avoir. Après tout, à quoi ça mène de refuser aux autres de vivre leur vie quand elle n’affecte même pas la notre ?

Peu d’entre vous sont venus chez moi, quand j’avais encore un appartement à appeler « chez moi », donc vous n’avez pas forcément eu l’occasion de le voir. Il n’y a plus rien de superflu chez moi. Chaque chose a une histoire et une valeur sentimentale. Je tiens à tout, et je ne m’encombre pas de choses inutiles. Tout comme je ne m’encombrerai pas de personnes malveillantes. Je l’ai dit plus haut, je ne comprends pas l’injustice. Et je ne veux personne dans ma vie qui me demande d’être ce que je ne suis pas, ou qui n’accepte pas qui je suis. Et la pire combinaison serait que quelqu’un qui m’a toujours connue et aimée me trouve soudainement indigne de son attention. Autre chose que je n’accepte pas avec l’injustice, l’hypocrisie. Je n’ai pas changé, j’ai toujours été celle que je suis aujourd’hui et qui a écrit ce que vous êtes apparemment toujours en train de lire.

« Ce n’est pas parce que je partage les mêmes droits que vous que vous en aurez moins. On ne parle pas de partager une tarte. »

Pourquoi je dis tout ça, et pourquoi maintenant ?

Déjà car comme je disais au début, j’ai constaté il y a plusieurs mois que je l’assumais enfin totalement, et que je l’ai sous-entendu dans un précédent article. Et ça tombe en fait plutôt bien, car il se trouve que j’ai fait mon coming-out à moi-même il y a exactement dix ans.

Mais en plus de ça, même aujourd’hui en 2017, force est de constater que le monde a encore beaucoup à apprendre en matière de tolérance et de respect des droits humains. Voilà une courte liste de faits marquants, ciblée et absolument pas exhaustive mais ce n’est pas le but, qui je l’espère vous fera réfléchir.

1982 – l’homosexualité est dépénalisée en France. Elle est aujourd’hui légale dans l’ensemble de l’Europe depuis 2014, après qu’elle ait été dépénalisée en Chypre du Nord. Légale veut dire « acceptée et non punie » aux yeux de la loi, pas forcément dans les esprits…

1997 – pour la première fois à la télévision, Ellen DeGeneres fait son coming-out publiquement dans un épisode de sa série. Peut-être que vous ne la connaissez pas, et je ne la connaissais pas non plus il y a encore 5 ou 6 ans, mais cette femme a eu le courage de sacrifier sa carrière et son avenir professionnel pour prouver au monde entier qu’être gay n’est pas une tare. Elle a tout perdu et s’est reconstruite en partant de zéro, sans jamais renier son identité. Son histoire aide des millions de personnes à comprendre qu’ils ne sont pas des sous-humains. Elle est comédienne, humoriste, présentatrice d’un talk-show à succès qui entame sa quinzième année et atteint cette semaine son 2500ème épisode, encore mieux que Céline Dion à Las Vegas ! Il se trouve aussi qu’elle est gay depuis toujours, mariée depuis 9 ans, et ça n’enlève aucune de ses qualités humaines. Pour preuve, elle a été décorée l’année dernière de la plus haute distinction présidentielle aux Etats-Unis pour toute la tolérance, la générosité et l’entraide qu’elle apporte au monde chaque jour.

2001 – les Pays-Bas sont le premier pays au monde à légaliser le mariage gay.

2006 – dans un continent majoritairement homophobe, l’Afrique du Sud le légalise aussi.

2007 – je fais mon coming-out à moi-même. Je ne me cachais pas, je ne m’étais juste jamais posé la question. Mais le fait de comprendre ça de moi-même m’a fait comprendre pas mal de choses de mon passé.

2010 – le mariage gay devient légal en Argentine.

2013 – le mariage gay devient légal en France. Quatre ans plus tard, le débat est toujours sensible, et les principes de « Liberté, Égalité, Fraternité » quelque peu entachés.

2014 – l’Estonie devient la première république ex-soviétique à autoriser l’union civile aux couples homosexuels.

2015 – la Cour Suprême des Etats-Unis légalise le mariage gay dans l’ensemble du pays, alors que 14 états sur 50 l’interdisaient encore.

2016 – une étude révèle qu’une personne homosexuelle est tuée chaque jour au Brésil. Pays qui en septembre 2017 tente à nouveau d’officialiser, à l’encontre du bon sens et des déclarations de l’OMS, que l’homosexualité est une maladie qu’il convient de soigner.

2017 (alors que vous pourriez croire avec ce que je viens de lister que le monde évolue dans le bon sens, je me sens obligée de rappeler qu’on est au 21ème siècle ; et que l’Homme est l’espèce animale la plus évoluée) – il est toujours mal vu d’être homosexuel à travers le monde, et des milliers de jeunes sont victimes de violences ou de harcèlements au quotidien, à l’école ou à la maison, les poussant parfois au suicide. C’est également illégal d’être homosexuel dans 72 Etats du monde. On y risque la prison, de quelques années à la perpétuité, les travaux forcés, la torture, et parfois la peine de mort. Et il a été dévoilé en avril que pas très loin de chez nous, en Tchétchénie (République de la Fédération de Russie), les homosexuels étaient victimes d’une sorte de chasse aux sorcières. Et là je demande à l’OMS d’avant 1990, « qui est le malade mental dans l’Histoire ? ». Dans un pays qui a pourtant dépénalisé l’homosexualité en 1993, des centaines d’entre eux ont récemment été arrêtés, envoyés dans des centres d’internement, torturés, humiliés, forcés à dénoncer d’autres homosexuels, et parfois tués. Je suis certaine que ce que vous imaginerez rappellera beaucoup de (mauvais) souvenirs à tout le monde vivant en Europe, et que par eux vous comprendrez mieux l’ampleur de l’injustice et de l’aberration que transporte l’homophobie. Et qu’elle transporte jusque chez nous si nous ne luttons pas contre, et si nous ne défendons pas un monde juste.

[Anecdote #3 : la réponse du gouvernement Tchétchène est qu’il s’agit d’une blague, car « il n’y a aucun homosexuel en Tchétchénie, et si de telles personnes existaient, les autorités n’auraient pas à s’en faire puisque leur propre famille les enverrait à un endroit dont on ne revient pas » ; et les « crimes d’honneur », commis par exemple contre des personnes ayant sali l’honneur de leur famille en étant gays ou perçus comme tels, sont rarement punis dans le Caucase du Nord et peuvent être « traités avec compréhension »]

Pour les sceptiques, les homophobes qui se cachent, et ceux qui ne comprennent pas ce que j’ai essayé de dire ici, retour sur les bancs de la fac, j’ai un sujet de dissertation pour vous. Il ne vient pas de moi, mais d’un professeur américain très intelligent, qui voulait que ses élèves soient enfin tolérants entre eux.

* Qu’est ce qui selon vous a été la cause de votre hétérosexualité ?

* Quand avez-vous décidé que vous seriez hétérosexuel ?

* Est-il possible que votre hétérosexualité ne soit qu’une phase de laquelle vous pourriez sortir ?

* Pourquoi insistez-vous à exhiber votre hétérosexualité ? Pourquoi ne pouvez-vous pas simplement être ce que vous êtes en toute discrétion ?

* Pourquoi, hétérosexuels, vous sentez-vous obligés d’attirer les autres vers votre mode de vie ?

* Avez-vous considéré suivre une thérapie pour vous libérer de vos tendances hétérosexuelles ?

Voilà le sujet. Vous avez deux heures.

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